Le marché du hêtre analysé par Claude Schnepf

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Portrait Claude Schnepf

 

Claude Schnepf dirige Scierie et Caisserie de Steinbourg, un des leaders du hêtre en France avec 75 000 m3 transformés annuellement, capacité qui passera à 100 000 m3 prochainement grâce à un important programme d’investissements. L’entreprise exporte hors UE 70% de son CA (21 m€ en 2019), principalement vers la Chine, un marché que Claude Schnepf connaît depuis 25 ans. Propos recueillis par Robert Wood.

Fordaq : « Où en sont les marchés du hêtre ? »

Claude Schnepf : « Nous avons d’une part un marché en hêtre blanc de qualité sur l’Europe qui reste très conservatrice. Mais ce besoin –relativement modeste en volume-, devient difficile à satisfaire en raison des dépérissements des hêtraies de l’est et des décolorations du bois en résultant. De plus, nous éprouvons des difficultés grandissantes à disposer de grumes hors sèves faciles à sécher, les hivers étant de plus en plus doux. Toutefois, certains pays européens comme l’Espagne commencent à comprendre qu’à défaut de hêtre blanc naturel, l’étuvage peut répondre à une nécessité d’homogénéisation des couleurs. De fait, le marché mondial demande du hêtre étuvé-rosé facilitant l’industrialisation des process, notamment dans le meuble. Sur ce segment, les flux d’affaires sont bons avec les Émirats, tête de pont vers l’Inde et le Pakistan. Nous expédions aussi sur l’Algérie qui fonctionne correctement mais avec parfois des « stop-and-go » dans les livraisons en raison d’incertitudes liées aux paiements. Le Maroc voisin est un marché compliqué avec des prix très bas. Nous lançons aussi quelques banderilles sur l’Amérique du Sud et Centrale mais dans des quantités confidentielles. »

Fordaq : « Vous commercez surtout avec la Chine. »

Claude Schnepf : « Oui, nous y sommes depuis plusieurs décennies et c’est notre premier marché. Avec le Coronavirus et l’arrêt de l’activité au printemps 2020, je redoutais une chute des commandes à l’automne. Cela n’a pas été le cas. La Chine fonctionne quasi normalement, c’est assez impressionnant. Si leurs exportations de bois sous formes de meubles et autres produits finis ont baissé sur l’Europe et les USA, ces pertes ont été compensées par leur marché domestique. En sortie de confinement, il semble que les Chinois ont décidé d’acheter plus de biens de consommation. Leurs industries et autres menuiseries réclament donc du bois. »

Fordaq : «Cependant, les coûts du fret maritime sur la Chine ont grimpé cette année.»

Claude Schnepf : « Il y a effectivement des modifications tarifaires significatives sur le coût du fret maritime. Mais attention, il faut faire une distinction entre des hausses très importantes observées dans le sens Chine-Europe et d’autres, plus modérées mais néanmoins marquées dans le sens Europe-Chine. Le prix des containeurs de 40 pieds qui s’établissait en moyenne à 800-900 $ il y a un an au départ d’Anvers, est aujourd’hui à 1300 $. Depuis un semestre, le marché du fret est devenu très irrégulier, caractérisé par des prix spots évoluant au jour le jour en dents de scie. Il faut donc être capable de temporiser pour négocier au meilleur prix. C’est une affaire de patience. Par ailleurs, décembre n’est pas le mois le plus représentatif pour établir une analyse de fond sur les échanges avec la Chine. Les flux de marchandises se trouvent en effet au ralenti en raison de la proximité du nouvel an chinois. Les expéditions ne reprendront réellement leur rythme de croisière qu’à la mi-janvier pour des livraisons qui arriveront en Chine début mars, sachant qu’il faut 15 jours d’approche pour charger sur Anvers et qu’ensuite la route maritime demande 32 jours pour atteindre la Chine.»

Fordaq : « Comment expliquez-vous cette situation ? »

Claude Schnepf : « Depuis le Coronavirus, nous connaissons des flux de marchandises très chahutés. Lors du confinement débuté en février en Chine, tous les containeurs à destination de l’Europe sont restés sur place en Asie. Puis, au moment de la reprise en Chine, il y a eu des arrêts d’activités décalés en Europe et ailleurs dans le monde à cause de l’évolution de la pandémie. Les circuits commerciaux ont été complétement bouleversés, la logistique n’a pas suivi: des containeurs n’étaient pas au bon endroit, au bon moment ou, tout simplement, il en manquait. Par ailleurs, outre la nécessité de rentabilité financière des transports, il faut éviter de charger des conteneurs vides sur les bateaux pour des questions de flottabilité. »

Fordaq : « Quelles sont les conséquences pour les marchés du hêtre ?»

Claude Schnepf : « L’activité du hêtre dépend essentiellement de la grande exportation. Le fret maritime revêt donc une importance cruciale sachant que la concentration chez les armateurs a abouti à l’émergence de 3 importants groupes se partageant le marché. Avec une concurrence aussi réduite, les prix du fret chez ces acteurs de taille ont tendance à s’harmoniser. J’observe que l’influence de la hausse des coûts des containeurs est plus sensible sur les exportations de grumes que sur celles des sciages. Ce phénomène ne dérange pas vraiment les scieurs français qui préfèrent transformer sur place et expédier des produits semi-finis à plus forte valeur ajoutée. J’estime que le surcoût actuel du fret est de 15 à 20 €/m3 sur les grumes de hêtre chargées en containeurs de 40 pieds (environ 20 m3 par containeur). En revanche, il n’est que de 10 €/m3 de sciages pour 34 m3 de planches placés dans un 40 pieds. Même si elle semble plus douce, cette augmentation des prix du fret sur les sciages risque toutefois de rogner la légère hausse tarifaire de 5% survenue récemment sur les belles qualités de hêtre, hausse que nous n’avions pas connue depuis très longtemps. Pour le court terme, beaucoup de spécialistes pensent que les prix du fret maritime pourraient se stabiliser à un niveau raisonnable d’ici la fin du 1er semestre 2021. Mais nous manquons de visibilité. Tout dépendra de l’évolution de la pandémie. » 

Tableau 1 :

ÉVOLUTION NÉGATIVE DES COURS DU HÊTRE 

        Ventes publiques ONF, Indice 100 en 2007  

 

4T 2015

4T 2016

4T 2017

4T 2018

4T 2019

4T 2020

Évolution

2015-2020

Évolution

2019-2020

Bois

sur pied

112

109

100

101

100

92

-18%

-8%

Bois façonnés

119

120

120

121

126

120

stable

-5%

Source : Robert Wood

 

Tableau 2 :

BAISSE DES PRIX MOYENS DU HÊTRE

  Ventes publiques ONF Jura-Doubs en €/m3 de bois façonnés

      Amplitude des prix  au 4T 2020 : de 40 €/m3 à 75 €/m3

1T 2016

4T 2017

4T 2018

4T 2019

4T 2020

Évolution

2018-2020

55,5

58,5

63,8

54,50

55,20

-13,5%

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1 yorumları gösteriyor.

Philippe Marey
merci cher Robert pour cet article qui éclaire les entreprises qui ne font pas de grand export de part leur taille,et ne sont pas toujours au courant des fluctuations mondiales. bonne année à tous philippe Marey